Les transmissions intergénérationnelles

Famille

Tous les deux mois, le sympathique Psychoscope, magazine destiné aux adhérents de la Fédération Suisse des Psychologues, atterrit sur mon bureau. 

Habituellement, la revue discute de résultats de recherche et de thématiques variées dans le domaine de la psychologie. Le dernier numéro ne m’aura en tout cas pas attendu longtemps puisqu’il évoque un sujet courant dans les démarches de psychothérapie : la question des héritages psychiques et physiques entre les générations. Autrement dit, que nous transmet notre famille, de façon conscience et inconsciente, au travers de l’histoire qu’elle a eu ? 

Voilà une interrogation à la fois stimulante et délicate. 

Entre bon sens – oui, il est logique que les incidents traversés par notre milieu d’origine aient une influence sur les générations futures – et positionnements extrêmes – le déterminisme génétique ou le sceau de la fatalité versus un déni des répercussions de certains héritages – la nuance et la curiosité me semblent de rigueur. 

Quoi qu’il en soit, le Psychoscope tente d’aborder la question sous plusieurs angles : les répercussions d’événements traumatiques sur les générations suivantes et la dimension de secret ; le rôle de la génétique et de l’environnement dans la transmission ; et, pour finir, les modèles de travail transgénérationnels. 

Après deux premiers articles plutôt sans surprises, j’ai trouvé dans les suivants, des rappels importants ainsi que des échos avec l’approche systémique que je pratique. Par exemple, les auteurs rappellent que les questions de succession ont leur origines dans des sociétés et civilisations anciennes (chamans, grecques,  etc.) et contiennent une valeur symbolique que l’on peut explorer en thérapie. Par ailleurs ils travaillent également avec le génogramme ou arbre familial, outil qui met en évidence la structure des familles, les événements importants de leur histoire sur plusieurs générations, les relations entre leurs membres et les devises qui les caractérisent. L’accompagnement est alors dirigé vers la conscientisation d’éventuels schémas répétitifs et la re-définition des aspirations de la personne.

Seul petit manque de mon point de vue : les héritages familiaux ne sont pas toujours envisagés sous leur versant de ressources, ce qui est dommage car celles-ci font aussi parti de l’origine et de l’intériorité de l’individu. C’est un fait que le systématicien Ivan Boszormenyi-Nagy avait déjà mis en évidence avec l’idée que les loyautés familiales ne sont pas vouées à des répétitions de comportements négatifs mais peuvent devenir le ciment de relations saines et évolutives. 

Pour moi, le coeur de l’approche systémique est bien de cultiver une grande curiosité vis à vis de comment les familles, d’une part changent, tentent de résoudre les difficultés de la vie chacune de leur manière et, d’autre part, comment elles transmettent effectivement certains contenus, que ce soit de façon matérielle (héritages par exemple), physique et verbale (legs des histoires de vie, injonctions à suivre les valeurs, patrimoine génétique, postures corporelles, etc.), émotionnelle (façon de vivre les émotions) et relationnelles (apprentissage des manières d’être ensemble et seul, d’être avec l’environnement, etc.) et que ce soit consciemment ou inconsciemment. 

La personne qui  investigue son histoire familiale – sa façon d’y appartenir et de s’en distancer en tant qu’être à la fois « dedans et distinct », avec ses valeurs, ses croyances existentielles et son espace de liberté –  peut enrichir le système familial de nouvelles façon de faire, de communiquer, en somme de compétences de vie. Elle a ainsi l’opportunité d’enrichir considérablement les générations suivantes.

 C’est là un aspect central de la psychothérapie. 

En cas d’intérêt pour l’article ou des renseignements sur la littérature existante, n’hésitez pas à me contacter :     a.briand@cabinet-de-la-riviera.ch